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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 13:44

Se connaître par la psychogénéalogie, les racines de l'être, Editions Dervy-Médicis.

La psychogénéalogie : une exploration de l'histoire familiale.

Mon attirance pour la généalogie est née probablement à l'écoute des histoires de mes grands-mères qui aimaient à revenir sur leur enfance beaucoup moins dorée que la mienne. Néanmoins, lorsque je me suis vraiment penchée sur mon arbre, beaucoup plus tard, j'avais quelque peu perdu la mémoire... Ne me restaient que de vagues souvenirs.

Ma grand-mère paternelle ayant eu le loisir d'atteindre ses 95 ans, nous avons pu, au long de nos longs conciliabules, largement égrener l'histoire de sa lignée. C'est ainsi que je découvris mon fantôme : celui des frères dont on ne parlait pas, et que je portais en moi... Il était le frère aîné de ma grand-mère, disparu, oublié. Un voile obscur entourait sa vie et sa mort. La honte aussi était passée par là. D'Abel, plus personne n'avait jamais parlé jusqu'à ce réveil étrange à cause d'une petite phrase d'apparence anodine : « J'avais un frère aîné... »

Avant cela, mon père avait pris soin de m'appeler Isabelle... Mon prénom contenant celui d'Abel, oncle de mon père, dont il découvrit l'existence avec mes investigations. Je reconstituai ainsi l'histoire du fils oublié dans une biographie romancée Le premier des fils, à paraître. Son enfance et sa jeunesse marquées par les malheurs de la famille s'inscrivent dans la Grande Histoire, avec son système de répression et de punition, la confusion et le mélange des délits, entraînant vers le bagne de jeunes hommes dont les fautes n'étaient point incurables, ni déshonorantes... Ce jeune homme oublié, scandaleux pour l'époque, se trouva pris dans la machine terrifiante des Bataillons d'Afrique, à tuer du Berbère quand il n'avait jamais quitté sa campagne et ne comprenait pas le sens de ces combats pour gagner des territoires à la France. Un refus d'obéissance l'envoya finalement au bagne, à Biribi, avec les soldats-bagnards décrits par le grand journaliste Albert Londres.

Plus je levais le voile mystérieux grâce à mes recherches aux Archives Départementales de Maine et Loire, puis de Mayenne, au Centre Administratif de la Gendarmerie Nationale, au Service de Santé des Armées (Section des archives médicales et hospitalières), plus je comprenais pourquoi de tout temps je m'étais intéressée aux proscrits et aux bagnards... Quelque chose ou plutôt quelqu'un parlait en moi depuis toujours et m'habitait : un secret de famille autour d'un jeune homme disparu qui avait apporté la honte dans cette famille pauvre mais honnête du début du XXe Siècle.

Tandis que je réunissais mon puzzle autour du Premier des fils, advint un rêve dans lequel je vis ma mère, décédée dans mon enfance. Elle m'indiquait d'aller fouiller dans sa lignée...

Un fil tiré me dévoila une toile presque magique où je retrouvai une partie de mes ancêtres... à Paris, grâce à une généreuse passionnée de généalogie. Quelle heureuse surprise et quel éclairage soudain sur mon vif intérêt pour l'histoire de Paris. Depuis ma jeunesse, j'avais dévoré nombre de romans historiques avec la ville lumière pour décor ; la ville sombre aussi avec ses massacres, exécutions, révolutions, avec ses gavroches, gouailleuses, filles perdues et mômes abandonnés.

Des aïeux à Paris au cœur de la Commune, de quoi m'interpeller !

Aux archives de Paris, je fis ensuite une découverte étonnante : trois enfants abandonnés à l'Assistance publique, dont mon arrière-grand-mère maternelle, en lien de dates avec ma mère décédée précocement... et avec ma première fille décédée bébé. Extraordinairement, ma fille aînée portait par sa date de naissance la mémoire d'un jeune poilu mort à 20 ans et par sa date de décès, la mémoire de mon arrière-grand-mère, enfant abandonnée. Un croisement de dates et de prénoms, de maladies et de morts édifient cette lignée. Un livre relate les secrets et les douleurs de ma branche maternelle : Deux cœurs, les révélations de l'arbre, à paraître.

La psychogénéalogie a été créée dans les années 1970 par Anne Ancelin-Schützenberger, docteur en psychologie, psychanalyste, auteure du livre célèbre : Aïe mes aïeux ! D'après ses recherches et observations, les événements, traumatismes, secrets, conflits vécus par les ascendants d'un sujet conditionneraient ses troubles psychologiques, ses maladies, et ses comportements étranges ou inexplicables.

La psychogénéalogie a ensuite été augmentée des recherches et expériences d'autres thérapeutes qui ont apporté leur contribution avec leurs propres écrits. J'en cite quelques-uns : Paola del Castillo, Salomon Sellam qui utilise le terme de psychologie transgénérationnelle, Claude Vieux, Elisabeth Horowitz, Didier Dumas, psychanalyste spécialiste de l'autisme, Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste, et ses Secrets de famille, Maureen Boigen, Christine Ulivucci, Thomas Edye et ses archétypes transgénérationnels...

La psychogénéalogie qui rassemble les mots psychologie et généalogie est une plongée au cœur de l'histoire familiale d'un individu. Une exploration, une analyse des liens entre les personnages de l'arbre. Qui dit exploration dit découvertes... mais dit aussi trous noirs avec lesquels il va falloir composer. Jung nous rappelle la part de mystère entourant l'être humain.

L'histoire d'une personne commence d'abord avec un projet d'enfant ou bien une absence de projet. Etions-nous programmés, désirés ; sommes-nous le fruit du hasard, plus ou moins bien accepté ou carrément rejeté ? Sommes-nous un enfant de remplacement d'une sœur ou d'un frère décédés juste avant, d'un parent ou d'un grand-parent ?

Il est important de considérer aussi le moment de la conception : époque de l'année, période anniversaire, temps de guerre...

Ensuite nous allons nous pencher sur la naissance et son déroulement ainsi que sur l'entourage de la mère et donc l'accueil réservé à l'enfant. Il arrive que nous rencontrions dans l'arbre des histoires d'abandon, d'enfants morts-nés, de jumeaux perdus, de femmes mortes en couches, etc.

Certains prénoms sont en lien avec la naissance comme Anne qui évoque la stérilité (elle est invoquée pour les accouchements difficiles), comme Catherine, patronne des fausses-couches et des IVG.

Le prénom donné à l'enfant a un sens et raconte une partie de l'histoire familiale. Les parents croient souvent faire preuve d'originalité en choisissant un prénom, or, en descendant le long des lignées, nous découvrons un ou des prénoms similaires ou proches par la sonorité. Ce sont parfois des prénoms commençant ou se terminant par les mêmes syllabes ou lettres. Dans mon cas, le prénom original choisi par mes parents enfermait celui du jeune homme dont on ne parlait pas dans cette famille... Le prénom choisi peut aussi rappeler un ami, un amour perdu. Pour les prénoms à la mode, américains par exemple à cause des séries et des films, il convient de chercher l'origine et le sens. Jason vient de l'Hébreu Yehosua qui signifie « Dieu sauve » ; Kevin est irlandais et veut dire « beau garçon » ; Jennifer est Celte et signifie « claire, douce », etc. En Occident, nous sommes inconsciemment mis par nos parents sous la protection du saint correspondant à notre prénom ou de celui qui préside à notre date de naissance (lequel peut aussi donner des pistes sur l'histoire familiale). Les prénoms des migrants ont aussi leur propre sens. Par exemple Farida veut dire unique ; Anouar : étincelant, etc.

Le nom de famille, quant à lui, parle d'un lieu, d'un métier, d'une particularité physique ou mentale, d'une période de l'histoire. Il résonne aussi en fonction des régions et donne donc des indications.

Une fois né, l'individu porte le poids de son passé familial et surtout celui des traumatismes non digérés, non-dits devenus secrets et qui parfois parlent à travers des maladies (mal à dire), le mal-être, les accidents. La démarche thérapeutique consiste alors à reprendre contact avec les faits du passé, pour enfin régler ce qui ne l'a pas été. Faire le deuil d'une mort non acceptée, autour de laquelle les personnes en souffrance d'alors se sont tues. Dévoiler des secrets honteux pour enfin s'autoriser un ressenti, réparer et se séparer. Comprendre pour en guérir. Imaginer ce qui ne sera peut-être jamais certain pour enfin le mettre à distance. Sortir des fidélités et des devoirs pesants et s'autoriser la liberté d'être. Se libérer d'un « fantôme » qui hante à travers des rêves ou des comportements. Éclairer l'histoire souvent brouillée de la famille permet de devenir soi.

Nos aïeux parlent encore à travers des dates de naissance, de conception, de décès qui vont correspondre avec celles d'un descendant. Celui-ci est alors relié à cet aïeul dans une mémoire souvenir ou pour poursuivre une tâche non terminée, revenir sur une souffrance non dite, mettre à jour un secret. Le syndrome d'anniversaire vient rappeler le passé du clan : il se passe quelque chose à une date clé de l'histoire familiale. Par exemple, tomber malade à la période anniversaire de la mort d'un parent ou d'une grand-mère… déclencher une maladie en fidélité avec un parent ou un aïeul (études d'Anne Ancelin Schützenberger sur le cancer).

Avec l'exploration de l'arbre nous atteignons la mémoire collective et l'inconscient collectif (les mythes et les légendes fondatrices de l'humanité). La Grande Histoire nous ouvre les bras. Des prénoms et des dates sont en lien avec des mémoires de guerres, d'épidémies, de famine, de génocides... Nous plongeons également au sein des us et coutumes de la région de naissance. L'histoire du clan s'inscrit dans l'environnement socioculturel.

Dans certaines familles existe une double (et parfois plus) culture issue de migrations, déplacements de population ou mariages mixtes. Le descendant est imprégné de ces cultures différentes et doit intégrer le fait d'avoir des racines là et ailleurs. Cela peut présenter des difficultés dans la recherche mais aussi dans la compréhension.

Pour les personnes sans mémoire consciente s'ouvre cependant des possibles. Je fais allusion aux placements suite à l'abandon, à l'adoption, aux enfants nés à la suite d'une procréation assistée, ou autres situations de ce type. Il est souhaitable de demander à ouvrir les dossiers, de poser des questions à l'entourage, de reconstituer son histoire par l'imagination, à partir de la connaissance du pays ou de la région d'origine. Les dates renvoient à des situations similaires dans l'arbre de parents adoptifs, par exemple, ce qui permet d'émettre des hypothèses éclairantes.

La descente le long des racines familiales est souvent un véritable travail de fourmi, la reconstitution minutieuse et toujours émouvante d'un puzzle. Des pauses se révèlent nécessaires pour prendre le temps d'analyser. C'est une prise de conscience qui mène à la compréhension, à la libération, et pour finir à la joie d'être soi, en lien avec le clan mais débarrassé des ombres agissantes ou séparé mais libre d'être enfin Soi. Avec cette exploration, nous éclairons l'avenir.

Site : http://www.isabellenail.fr

La psychogénéalogie: une exploration...
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